Droits ligue 1 et mauvaise foi

Il arrive à grands pas, le fameux appel d’offre pour le bouquet de diffusion de la ligue 1 sur les trois saisons de 2009 à 2011. Le bras de fer s’est engagé entre d’une part la ligue ainsi que les clubs professionnels et Canal + qui a décidé d’arrêter d’être le pigeon.

L’hallucination collective a débuté le 16 juin dernier lors de l’Assemblée Générale de LFP. A Metz, président Frédéric Thiriez a annoncé, sans pouffer rire, son grand plan « Footpro 2012 ». Une prestation d’autosatisfaction digne d’un Richard Gere (model 1987) devant sa glace avec des records de remplissage des stades de ligue 2, d’affluence en coupe de la Ligue, il y en a d’autres, mais la source est si peu fiable (la LFP) que je préfère ne pas contribuer à la propagande.
Une pluie de superbes performances du football professionnel français en guise d’apéro-dinatoire avant le plat de résistance de peur qu’il soit un peu indigeste, tabler sur un appel d’offre pour la ligue 1 de 750 millions d’euros par saison. Chiffre non dévoilé à cette époque, mais déjà secret de polichinelle.

P.Diouf : « Je préfère aller voir Nancy – Lorient que Man City – Liverpool… »

Le hic, c’est que pour son diffuseur actuel, Canal +, la pilule des 600 millions est déjà dure à digérer . Autant lorsque la chaîne cryptée avait signé, il y a trois ans, on pouvait encore dire que la ligue 1 avait du suspense, autant aujourd’hui Lyon en est à six titres de champion de France consécutifs et ceci, en moyenne, dès le mois de février.
Depuis, les clubs et la ligue d’un côté et Canal de l’autre s’opposent dans une guerre des nerfs qui ne fait que commencer. Quand Alexandre Bompard, le patron des sports de la chaîne annonçait dès janvier, dans l’Equipe, la loi des quatre S, suspense, stars, stades modernes et spectacle, Pape Diouf déclarait en septembre dernier qu’ « en France, il y a moins de décalage entre les équipes de tête et le reste du classement. Ce n’est pas le cas ailleurs où il existe des écarts énormes, ce qui appauvrit ces championnats. Personnellement, je préfère aller voir Nancy-Lorient qu’un Osasuna-Betis ou un Manchester City-Liverpool… ». On touche le fond de la mauvaise foi et le Président de l’ohème rétorque à l’argument du manque de star « qu’il est misérable, Cissé, Nasri et Zenden ne sont pas des stars ? » Gervet Martel de son côté, fait d’une exception, une généralité : « N’oublions pas que Lille a battu le Milan AC en ligue des champions. Cela prouve la qualité des équipes françaises ». Le tout sur le site de la LFP. Qui est convaincu ?

Envisager l’export (lol)

Et il y a mieux encore ! À la ligue, on peut certainement penser que les dirigeants prennent de la drogue, mais il n’en demeure pas moins que de temps en temps, ils ont des remontées d’acide et prévoient une porte de secours. L’appel d’offre de 2004 était dans une situation où Canal + se tirait la bourre avec TPS. Cela est fini puisque le premier a racheté le second. Situation de monopôle qui pourrait forcer la ligue à revoir ses plans à la baisse. Faux pour Jean-Michel Aulas pour qui pense que « Canal + n’a pas intérêt à critiquer le football et le championnat de France et ne peut pas aller chercher des abonnées en vantant les produits que l’on vend puis dénaturer son produit phare ».
C’est cependant ce qui se trame dans l’esprit de Cyril Linette, le responsable de la rédaction football de Canal, qui assure aux Cahiers du Football en parlant de Jour de Foot, que « les matches ne sont pas extraordinaires » ou encore « nous n’avons pas eu de matches qui valaient sept minutes de résumé même si on veut bien faire aussi long ».
La contre-mesure de la ligue serait de produire elle-même ses images afin de permettre la vente des droits à des acquéreurs étrangers et ainsi recréer une situation concurrentielle. Jean-Michel Aulas assure que le bouquet BSkyB serait intéressé pour ajouter la ligue 1 à la Première Ligue et la Série A.
Pour les dirigeants de clubs, il ne fait aucun doute que l’offre ne sera pas inférieur à 750 millions d’euros. Un chiffre qui arrange bien puisqu’ils prennent une part du gâteau. Plus le gâteau est gros, plus la part est grosse. Cette manne permet, aujourd’hui, à 18 clubs sur les 20 de ligue 1 d’afficher des bilans positifs (je vous laisse deviner qui sont les deux à ne pas l’être, c’est pas dur à trouver !).
Parce que les championnats étrangers ont de meilleures ressources que nous, une fiscalité plus avantageuse et une attractivité croissante qui en découle, le football professionnel hexagonal compte sur son diffuseur pour rééquilibrer la balance et permettre à Thiriez de voir la France « intégrer le top 3 de l’indice UEFA » , « voir un club français remporter la C1 d’ici 2012 » et même « d’organiser l’Euro 2016 ». C’est un peu comme vouloir s’acheter une Porsche en comptant seulement sur le RMI.
L’hallucination collective est donc bien en route. La ligue 1, ce produit « plébiscité par les téléspectateurs » pourrait bien voir en novembre sa valeur, une nouvelle fois artificiellement gonflé pour rapporter plus d’argent aux clubs. Au fait qu’a fait Auxerre et ses 30 millions d’euros de vente de joueurs cet été avant de jouer le maintien ? Investir ? pourquoi faire…